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Shoshin

La rencontre avec un senseï Japonais est toujours une expérience étonnante, riche en apprentissage sur les relations humaines et leurs complexités, leurs richesses.

Je m’étais renseigné auprès d’amis japonais sur la bienséance qu’il sied d’apporter lors d’une rencontre avec une personne du rang de Yukihiro Sugino.
« S’il représente une autorité dans le domaine que tu pratiques alors il faut témoigner de l’humilité » m’a-t-on dit.
« De plus, comme il est plus âgé que toi, cette humilité devra être décuplée !!! Garde bien ta distance, ne parle pas trop fort, incline toi sur son passage sans dévotion mais avec respect, ne te démarque pas, ne te fais pas remarquer mais reste sincère. ». J’ai toujours beaucoup apprécié l’ésotérisme profond d’un conseil japonais.

Donc, premier soir, rencontre simple hors du Dojo. On s’incline, à bonne distance, avec « Hajime Mashita ! Dozo Yoroshiku ! »
Ces présentations, recommandées au préalable, semblent de bon ton. Un pas est franchi dans la bonne direction semble-t-il.

Une fois dans le Dojo, (que l’on aura pris soin de saluer), et le salut Katori Shinto Ryu où Shinto prend tout son sens, nous voici dans la pratique….
J’avais déjà entendu parler du Misogi, la pratique de la purification mentale et physique dans les arts Martiaux. Finalement, au contact de Yukihiro Sugino Senseï, le sens s’est éclairé.
Pratiquer des maki uchi en étant corrigé sur une foule de détails apparemment anodins m’est apparu comme une expérience très forte. Ce qui apportera de la fatigue, n’est ni plus ni moins que l’imperfection de mon geste. Ce qui mettra en route ma lassitude mentale ( « quand cela va t il s’arrêter ? Quand je pense que je pourrais être dans un canapé à siroter un scotch en attendant ma pizza pour lancer un bon film en ce vendredi soir ? Quoi ? seulement cinq minutes ? Il me semble que cela fait des heures !!! la pendule doit être arrêtée !!! » ), enfin toutes ces petites voix intérieures qui se mettent en route me rappellent étrangement ces Bavardages intérieurs dont parle le Zen.
Alors, avec beaucoup de joie dans cette découverte, et en absolue confiance envers le Senseï, j’ai tenté de mettre en place toutes ces nouvelles choses si complexes qu’il nous apportait en souriant. Et le temps s’est à nouveau distendu : Tous les shisei à mettre dans un simple Maki Uchi demandaient un véritable travail de disponibilité et de concentration.

Pour les Kamae, le principe fut appliqué de la même manière : trouver dans l’attitude, suffisamment de justesse pour pouvoir goûter la saveur d’une posture presque exacte.
Les jours suivants l’expérience fut renouvelée avec la pratique des Kajo (c’est à dire des kata) en plus.
Le senseï fut impitoyable sur le Shisei (L’attitude ) de chacun, car dit-il au travers de Daniel Dubreuil « Le kajo est une succession de gardes. Si la Garde est bonne, le Kajo sera juste. »

Il fut également de bon ton d’évacuer le pugilat et la tentation du conflictuel dans ma pratique. La tentation est grande, lorsqu’on pratique un art comme le Katori Shinto Ryu, de manifester son désir de coupe, de tranche, de touche… Mais « Le kajo est écrit et il n’est pas nécessaire de montrer plus qu’il n’y a. Garder la bonne distance et accomplir le geste juste. Sans passion, sans colère et sans pugilat, mais avec Kime. »

Les duels étaient interdits dans l’école de Iizaza Chozaï Ienao…

Découvrir une pratique d’art de guerre sans conflictuel, mais dans un esprit de paix (Wa) et d’harmonie (Aï), travailler avec simplicité afin de goûter à une saveur simple sans artifice, tel fut la leçon que j’ai personnellement tiré de ce stage.
J’ai appris que malgré mes années de pratique, je me devais d’être sans cesse en éveil afin que rien d’acquis ou de prétendu tel ne vienne obscurcir mon désir d’avancer sur cette voie (Do), où je sais qu’il n’y a pas d’arrivée.
« Chercher la voie, c’est déjà être sur la voie ».

Ne jamais perdre ses facultés d’émerveillement, d’ouverture vers les autres et ce qu’ils nous apportent.

Toujours être heureux d’apprendre à connaître…
« Avec empathie… »

C’est cela « Shoshin », l’esprit du débutant…

Domo Arigato O Senseï

Pascal OUVRARD