Le
désert de Fontainebleau
Par
Francine LIM
Pour
cette édition 2006, je voudrais féliciter les quelques
téméraires nouveaux venus qui ont tenté l'aventure
du « stage de Fontainebleau »: Younouss, Houssem, Elsa,
Fanny, Michel, Anne-Marie, Eric J.
Bravo donc pour votre courage, surtout si vous en aviez déjà
entendu parler avant. Pour les autres qui connaissaient (et j'en suis),
nous n'avions pas d'autre excuse que notre masochisme (« l'humilité
est l'antichambre de toutes les perfections », Marcel Aymé
- ça vaut bien Lao Tseu!! - ).

Rendez-vous
est donc pris le dimanche matin à 9h15 à la porte d'Italie.
Tout le monde est là, à l'heure et motivé par la
perspective de cette journée d'entraînement si particulier.
Une fois les voitures chargées de matériels de combat,
de sacs de pique-nique et de guerriers frais, le convoi s'ébranle
en direction de cette fameuse forêt de Fontainebleau.
La forêt de Fontainebleau est célèbre dans la région
pour sa flore très variée et ses paysages contrastés
: forêts de pins, forêts de feuillus, plateaux recouverts
de futaies, sites rocheux, et même des mares. Mais ce sans quoi
Fontainebleau ne serait pas Fontainebleau, c'est son célèbre
sable si fin, si pur, si blanc, déposé là il y
a quelque 2 millions d'années, alors que la mer s'en est allée.
La zone de combat choisie par notre sensei ? Devinez. Une mer de sable
bien sûr. Quel meilleur terrain d'entraînement que celui
là ? Un sol sableux pour renforcer la stabilité et rendre
le pied léger, quelques branches mortes répandues ça
et là pour aiguiser l'attention, une chaleur accablante pour
travailler notre endurance, et un soleil éblouissant pour pouvoir
porter nos belles lunettes noires (en fait ça permet de cacher
nos regards combatifs qui pourraient impressionner les passants).
Afin
de ne pas se laisser distraire par cet environnement bucolique, il était
indispensable de garder quelque cérémonial, comme l'habillement
en tenue martiale, obligatoire. Nous avons donc enfilé nos kimonos,
nos épais keikogi, et même les hakamas (je ne dénoncerai
pas ceux qui l'avaient oublié ). Avec le soleil en guise de kamiza,
le salut habituel prend une toute autre dimension. Et pour parfaire
la concentration, une minute de mokuso (méditation) a permis
de s'imprégner du calme environnant rythmé par le seul
vol des abeilles.
Si certains ont pu se laisser enivrer par l'odeur de l'écran
total et du sable chaud, ils auront vite déchanté en constatant
que ce dojo inhabituel ne dispensait en rien des exercices habituels.
Bien au contraire. Maki uchi et autres frappes deviennent vite indispensables
à travailler pour se faire au sable que l'on a sous les pieds
et dans les chaussures (l'année prochaine je m'achète
des tabis). La seule concession faite par Christian pour cette matinée
fut d'autoriser à s'exercer à l'ombre des quelques pins
bordant notre dojo aride.
En
récompense de cette matinée bien studieuse, le déjeuner
à l'ombre rafraîchissante d'un grand chêne a été
accueilli avec reconnaissance. Curieusement personne ne s'est fait prier
pour quitter le « tatami ». Je n'ai pas regardé dans
les gamelles de mes camarades mais ce devait être bien bon car
la charcuterie gentiment apportée par Mireille et Jean-Luc n'a
pas eu beaucoup de succès. Fait exceptionnel, alors qu'il faisait
la chasse aux siesteurs, lors de ma dernière participation au
stage, Christian, cette année, a autorisée une séance
de sieste !! Si si, tout le monde est témoin. Quand je vous dis
que le soleil tapait fort ! D'ailleurs, parmi les victimes du soleil
il faut aussi compter Eric J. et Romain. Ces deux là se sont
mis en tête de faire grimper Elsa aux arbres. Ce fut un exercice
imprévu pour elle et un grand moment de divertissement pour les
autres. Mais bon, il faut espérer que cela n'ai pas donné
d'idée à Christian.
En
effet, il semble que se soit établit une nouvelle tradition digestive
: organiser une petite compétition entre les participants de
ce stage, avant de reprendre l’entraînement. Cette année,
compétition autour des cinq éléments fondamentaux
: la terre, l'eau, le feu, l'air et le vide (pour ceux qui douteraient
que le vide soit un élément, allez relire Musashi et Lao
Tseu).
Trois équipes sont entrées en lice: les Pierres qui roulent
(capitaine Vincent), les Dragons de Fontainebleau (capitaine Mouloud),
les milles Tengu de la Forêt (capitaine Romain). Ne demandez pas
qui a trouvé ces noms, c'est encore la faute du soleil.
Je
ne décrirai pas en détail les épreuves, histoire
de laisser s'inquiéter un peu les candidats de l'année
prochaine. Je vous dirai seulement qu'elles ont demandé concentration,
dextérité et sang froid. Mention spéciale pour
l'épreuve de l’eau, qui relevait du machiavélisme,
à la hauteur des grands maîtres « Bip bip et le Coyote
», il faut le reconnaître. Elsa en remercie encore Eric
J.! Pour ceux que cela intéresserait, Christian lance un brainstorming
pour avoir des idées d'épreuves pour l'année prochaine.
J'aime bien l'idée de Mouloud de faire des maki uchi avec un
bol d'eau sur la tête de l'autre. Ah j'allais oublier, Mouloud
a pris sa revanche depuis l'année dernière puisque son
équipe de dragons a remporté une belle victoire. Bravo
aux vainqueurs.
Après
ce moment de détente qui laissait passer le plus dur de la chaleur,
nous avons repris l'entraînement plus traditionnel aux katas de
ken et de bo. Tout le monde a fini par travailler le bo à l'ombre
des pins. N'imaginez pas que ce soit pour se protéger du soleil,
que nenni ! Le travail du bo sous les pins est très difficile.
Le terrain est plus accidenté car il y a des touffes d'herbes
un peu partout. De plus, il faut éviter de frapper les branches
basses par inadvertance. Ah oui vraiment, ce n'était pas un entraînement
de tout confort. Idem pour le Iaï. Le travail à l'ombre
des pins impose de vraies contraintes comme le manque de place. Nous
avons dû faire attention à ne toucher personne ! Nous avons
même eu du mal a éviter de décapiter les mouches
! (il faut bien en garder quelques unes pour les épreuves de
l'année prochaine)
Dernière
épreuve de la journée : se changer sans mettre de sable
partout sur ses vêtements propres. Parce que le sable de Fontainebleau,
finalement, n'est pas si blanc qu'il en a l'air, une lessive à
90°C avec prélavage est vivement conseillée (heureusement
que les tenues sont en coton !).
Au
final de cette journée, nous n'avons perdu personne. Tout le
monde est au bistrot, fatigué, sale, mais si heureux. Je vois
les regards satisfaits de mes camarades et je me dis que Christian a
eu une bonne idée le jour où il est retombé sur
ses vieilles cartes de Fontainebleau. On s'imagine déjà
à l'édition de l'année prochaine, à grimper
les sommets rocheux de Fontainebleau avec le iaïto entre les dents
tout en évitant les shurikens lancés par les copains qui
attendent leur tour...
Francine (frappée
par le soleil)