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Stage de Criel sur Mer des 15 et 16 Mai 2010
Château de chantereine

 

Au fond du chaudron de l’aikibudo, une fois la potion des entraînements savourée, se trouve une flaque de souvenirs. C’est dans son reflet qu’apparaissent les images du passé : des formes aux mouvements souples laissent peu à peu se révéler une configuration, une situation qu’ont évoquée sans le vouloir les exercices de la journée, les rires conviviaux des à-côtés. (Si on lui demande, Christian Sensei puise dans ce puits riche de souvenirs pour nous les faire partager.) Le stage de Criel-sur-mer a une telle capacité d’évocation.

Le site accueille déjà depuis plusieurs années les aikibudoka du Mitsurukai. Le dojo a ses traditions : la montée à la falaise en fin de journée par la voie escarpée que les randonneurs ont abandonnée après une journée de crapahutage ; le repas dans la ville en contrebas à la tablée d’un restaurant que les habitués du stage ont vu s’agrandir ; le retour par la traversée nocturne, sous les étoiles, du chemin qui ramène au château où l’on loge. Cette année le beau temps nous a souri, même les éoliennes modifiant de manière pas toujours heureuse le paysage, batifolaient gaiement dans les airs. Très naturellement, l’ambiance du repas et des escapades, irrésistiblement conviviale et joyeuse, laissera pendant longtemps les marques de cette bonne humeur dans les esprits.

L’équipe réunie cette année était réduite mais très active. Deux couples de choc étaient aux manettes des deux véhicules nous menant sur les lieux, tous les quatre habitués du stage. Olivier et Olivia, organisateurs du voyage, ainsi que Sébastien et Valentina, représentants de l’ASPP. De l’équipe de l’aikibudo Mitsurukai, Françoise avait répondu présente comme les années précédentes, ainsi que Patrick qui comme moi découvrait les joies du rendez vous.
Les entraînements se sont déroulés en plusieurs ateliers dans un esprit sportif et combatif. Une fois, échangés les boken contre des shinai, des mises en situation réalistes ont permis de tendre les nerfs et d’aiguiser les réflexes. Le véloce Sébastien y excella, notamment dans l’exercice type kendo ou encore dans l’exercice de la joute : l’un des participants faisait le mannequin dont le shinai frappé revenait en attaque arrière après une trajectoire rotative. Un défi de lancer de shurinken a démontré toute la difficulté de l’exercice: la précision n’était pas tant en question que la capacité à bien ficher le couteau japonais dans la cible, mais des signes de progrès furent sensibles grâce aux conseils avisés du Sensei, nous initiant ainsi à une autre arme des samouraïs. Valentina y montra une habileté de ninja. L’après midi, un entraînement à la naginata et au bô en extérieur dans un lieu ouvert aux quatre vents, modifiant les repères, mettant en défaut l’attention flottante. Patrick pris quelques photos de l’entraînement de Iai, tournant autour du groupe en cherchant l’angle de vue permettant à la fois de réunir tout le monde et d’exclure de la photo le couple au second plan qui s’y était glissé indument. Le lendemain l’entraînement d’aiki a fait surgir les aspects plus « self-defense » de certaines techniques, complétées par d’autres plus rarement vues. Un entraînement au tonfa dans la continuité de certaines techniques compléta la séance. Le tout conclu par un massage type Shiatsu.

Par cette immersion dans un cadre naturel, l’art de l’akibudo et plus particulièrement du Katori Shinto Ryu révèle peut être un peu sa proximité primordiale avec la nature (du fait de ses origines animistes Shinto). Sous le signe d’Eole, des aikibudoka débarquent alors sur ces côtes normandes, comme témoins d’un horizon proche et lointain à la fois et ne laissent pas de traces de leur passage. Les photos immortalisant des postures atemporelles dans un cadre naturel laisse intact le site et les situations ; autant en emporte le vent. Si les éoliennes leur font signe de loin en loin, comme des moulins modernes, c’est pour leur faire montre d’un souci de la nature qu’ils n’ignorent pas.
Mais, aucun d’entre nous ne se sentit l’âme d’un Don Quichotte à vouloir attaquer des moulins à vent dans un combat grandiose et grotesque à la fois. Même Kurosawa qui inspire tant l’esprit du budo ne nous a pas insufflé cette idée par cette scène de son remake où était tourné un combat à la Naginata contre ces colosses aux bras multiples. Nous sommes restés imperturbables comme la montagne.


Christophe GROSJEAN